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ANALYSES ACTU

2 février 2007

Affaire étudiants sénégalais sans - papiers, à Grenoble

DanicopierFRANCE

Problème des passeports

Des étudiants sénégalais, sans papiers, malgré eux, à Grenoble.

T

out le monde en parle mais jamais avec le même degré de préoccupation. Selon la localité du demandeur les urgences diffèrent. Car, demander le sésame depuis le Sénégal urge moins que de l’attendre de l’étranger. Dans la première posture, les implications sont moins délicates. Dans la seconde le risque rode. La peur squatte en instance. Et plus que de raison, on évite toutes occasions de rassemblement, cadres propices des limiers de Sarko pour gonfler les statistiques des reconduites, conformément aux attentes du locataire de la Place Beauvau (ministère de l’intérieur français).

C’est exactement la situation que vivent des étudiants sénégalais un peu partout en France. A Grenoble, nous en avons rencontrés en marge du meeting organisé par les militants libéraux pour leur secrétaire général national, Abdoulaye Wade arrivé dans la capitale du Dauphiné les 10, 11 et 12 décembre, officiellement pour la remise de son diplôme de doctorat en droit, 47 ans après son obtention à l’université Pierre Mendés France. Ces étudiants venus exposer leur calvaire moral au Président Wade n’ont pas pu s’exprimer ; car ce qui était annoncé comme une rencontre du Président avec la communauté sénégalaise a littéralement viré au meeting électoral, à la sénégalaise, s’il vous plaît ! Seuls des Libéraux et sympathisants du régime ont eu droit à la parole. Des interventions taillées sur mesure, comme pour plaire au secrétaire général du parti, au lieu de confronter le Président aux vraies préoccupations des Sénégalais de Grenoble. La situation des étudiants sans passeport effleurée dans le discours du président de leur association, lui-même un Libéral, visiblement importait peu aux yeux du Président Wade. D’où le mutisme observé à ce sujet ! Un fait très notoire pour ne pas échapper à la vigilance des sans-papiers d’un autre genre. « Le Président n’a même pas parlé de notre cas », ont-ils sèchement asséné à la sortie, non sans amertume. A.T., juriste de formation, pense que « le ministre de l’intérieur est en train de faire des sans-papiers ».

C’est le cas de le dire ! Ces étudiants s’exposent au risque de l’expulsion au moindre contrôle de patrouille, d’autant que les récents accords signés entre les ministres de l’intérieur Ousmane Ngom et Nicolas Sarkozy en font clairement état. La police française a désormais les coudées franches. Tout citoyen sénégalais incapable de justifier sa régularité administrative sur le sol français devrait illico être rapatrié. Les implications de la situation de ces étudiants devenus sans-papiers malgré eux restent principalement, l’impossibilité de profiter des droits qui leur reviennent. Car sans passeport, pas de titre de séjour. Sans titre de séjour, aucun droit aux prestations sociales. Et même impossible de travailler. Le risque étant très énorme aussi bien pour l’employé que pour l’employeur. Autre exemple de privation : l’Aide Personnalisée au Logement, communément appelée A.P.L. Il s’agit d’une allocation permettant aux personnes qui en bénéficient, propriétaires ou locataires de réduire les dépenses pour leur habitat. Les récipiendaires qui ne peuvent plus en bénéficier devraient donc s’acquitter de l’intégralité de leur loyer. Et quand on sait les prix exorbitants du loyer en France, ( en plus des bourses et aides ridicules, offertes par le gouvernement sénégalais ) on peut aisément s’imaginer la lourdeur de leur fardeau et comprendre leur colère.

Lors du meeting de Grenoble, le maître de cérémonie, Pape Samba Mboup qui a bien mesuré le mécontentement de ses compatriotes s’était bien empressé de balancer à l’assistance, « nous sommes venus avec 4 cartons de passeports. » Info ou intox ? A tout le moins, l’effet d’annonce était bien perceptible des ayants droit non convaincus par ses propos. D’ailleurs, rien n’est dit sur le nombre de documents contenus dans ces cartons de la délégation présidentielle. Ce que l’on sait en revanche, c’est la pléthore de ministres, députés, conseillers et amis du régime qui composaient la délégation présidentielle: une quarantaine, selon la presse locale. Parmi eux Alioune Mbaye Nder !

Les étudiants attendent le sésame dans une angoisse qui ne dit pas son nom. Certains ont même alerté les parents pour des démarches auprès des autorités compétentes. Sans trop d’espoir bien évidemment ! Ou alors faudrait-il l’attendre du ministre de l’intérieur, Ousmane Ngom qui déclarait le 3 décembre dernier à Saint-Louis, au forum sur l’émigration initié par l’Organisme régional de coordination des activités de vacances (ORCAV) : « (…) nous avons fait venir 20.000 talons et d’ici le 15 décembre 100.000 passeports vont arriver ». A Grenoble, voilà sept bons mois, plus pour d’aucuns, que les étudiants sans-papiers guettent le sésame.

Daniel DIOUF

Journaliste indépendant

Consultant en communication

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